APPEL à la participation : blanchissement sévère de nos coraux

APPEL à la participation : nos coraux ont subi un épisode de blanchissement sévère avec fort risque de mortalité associé, aidez-nous à évaluer l’ampleur du phénomène en Martinique !

En raison du réchauffement climatique amplifié par le phénomène El Niño, la mer des Caraïbes a été anormalement chaude entre fin août et début décembre 2023, avec des températures marines dépassant les 29 degrés Celsius, qui est la valeur critique pour les coraux. L’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) qui suit les variations de température des eaux de surface, a alors placé en alerte maximale de niveau 2 les récifs coralliens de Martinique, et plus largement le bassin caribéen, pour "blanchissement sévère et risque de mortalité probable". Cette alerte a été maintenue pendant 3 mois (du 4 septembre 18 novembre 2023), entraînant un blanchissement conséquent des récifs coralliens martiniquais. L’objectif est de pouvoir grâce aux témoignages d’observateurs des coraux (plongeurs, apnéistes, scientifiques…) de quantifier ce phénomène en Martinique et d’évaluer la mortalité engendrée.

Le blanchissement corallien : qu’est-ce que c’est ?

Le corail est composé de multiples organismes vivants, appelés les polypes, qui vivent en symbiose avec des algues unicellulaires microscopiques, les zooxanthelles. Ces microalgues, en échange d’un abri et d’une exposition lumineuse suffisante, fournissent à leur hôte de l’oxygène et l’essentiel de son alimentation en libérant des nutriments générés par sa photosynthèse tout en lui donnant sa couleur.
Le blanchissement est la manifestation d’un stress, causé majoritairement par une hausse de la température de l’eau, sur le corail qui expulse ses algues. On ne voit alors plus que son squelette calcaire, blanc, d’où le nom de blanchissement.
En Martinique, il suffit de mettre la tête sous l’eau pour voir les conséquences de ce réchauffement : une grande partie des coraux ont perdu leur couleur.

Un corail blanchi est-il condamné ?

Si la hausse de température de l’eau ne dure pas très longtemps et que les conditions du milieu redeviennent normales, le récif corallien peut s’en remettre grâce à une recolonisation des zooxanthelles. Cependant si leur exil dure plusieurs semaines voir plusieurs mois à cause d’une eau restée très chaude (comme dans le cas présent), les coraux finissent par mourir, de faim essentiellement puis potentiellement de maladie. Des algues fimamenteuses recouvrent alors leurs squelettes. En effet, selon les espèces et la quantité de chaleur enregistrée, certains coraux peuvent récupérer du blanchissement, mais ils demeurent plus sensibles aux maladies et leurs capacités de reproduction en sont affectées.

Pour protéger les coraux, les acteurs locaux des récifs coralliens de Martinique agissent !

Cela passe tout d’abord par un suivi scientifique du blanchissement pour évaluer l’étendue du phénomène, documenter son évolution et adapter les mesures de gestion. Ainsi dans le cadre de la directive-cadre sur l’eau, l’Office de l’Eau a financé un suivi du blanchissement, réalisé par le bureau d’études Impact Mer, sur 12 sites tout autour de la Martinique.
Leurs premiers résultats, issus d’observations sous-marines au moment du pic de l’épisode des fortes chaleurs, montrent que 81 % de la couverture corallienne a été impactée par le blanchissement en octobre 2023 (en considérant comme impactés les coraux morts récemment, blanchis et pâles). Les espèces les plus impactées sont le corail corne d’élan (Acropora palmata), le corail digité (Porites porites), le corail feu (Millepora sp.), un corail de la famille des Agarices (Agaricia humilis) et le corail laitue (Agaricia agaricites). Il faudra plusieurs suivis postérieurs à l’épisode (un mois puis un an après) pour évaluer complètement l’impact de ce blanchissement sur l’état de santé de nos récifs coralliens et en déduire leur capacité de résilience.

En parallèle, un programme de suivi participatif a été mis en place par la DEAL et L’ASSO-MER. Le but de ce suivi est de pouvoir documenter au maximum le phénomène de blanchissement actuel et évaluer son impact géographiquement mais aussi évaluer les espèces les plus touchées afin de compléter les données du suivi scientifique.

  • Qui peut y participer ? Tout le monde : du plongeur professionnel au plongeur de loisir !
  • Comment ? En renseignant vos observations sous-marines sur le site de l’AGRRA (Atlantic and Gulf Rapid Reef Assessment) : https://www.agrra.org/coral-bleaching/
    Un formulaire est à remplir en indiquant entre autres le site de plongée, la profondeur, la température, les espèces de coraux observés et avec possibilité de joindre des photos à l’appui.

En cas de problème sur les formulaires, vous pouvez contacter la chargée de mission milieu marin de la DEAL Mme BELLENOUE au : 0596 59 59 51 ou 0696 28 01 79.

Il est à noter que les observations sur l’absence de blanchissement sont tout aussi importantes que celles de sa présence pour comprendre l’étendue et la structure de l’événement.
Les informations que vous allez collecter permettront de renseigner l’ampleur du phénomène que la Martinique connait actuellement et ses répercussions pour les années à venir.
Rejoignez l’effort caribéen dès maintenant en apportant votre contribution via vos observations !

Figure : Impact du blanchissement sur la station de la Caye d’Olbian, un site qui présentait une couverture corallienne exceptionnelle lors du dernier bilan d’état de santé des récifs coralliens (IFRECOR 2021 - Bilan 2020, p335 https://ifrecor.fr/bilan-etat-de-sante-2020/).

Figure : Etat d’alerte émis par la NOAA dans le bassin caribéen le 11 septembre 202 (Source NOAA)

Quelles sont les causes de fragilisation et de mortalité de nos récifs coralliens ?

Les récifs coralliens subissent une dégradation accélérée en lien avec l’augmentation des températures de surface et l’acidification des océans provoqués par le réchauffement climatique, tout en étant déjà affaiblis par une série de perturbations anthropiques : pollution de l’eau aux pesticides ou hydrocarbures via le lessivage des sols, aménagements et constructions sur la côte, pêche, systèmes d’assainissement défaillants (détergents, produits pharmaceutiques…), pollution par les déchets plastique, etc.

Ajoutez à cela les invasions d’espèces exotiques envahissantes (poisson lion, herbier Halophila stipulacea), les épizooties (maladie sur les coraux comme la SCTLD ou sur les oursins diadèmes) et les cyclones : cette accumulation d’évènements naturels aux pressions humaines étouffe et tue les coraux.

En effet, ces pressions fragilisent de plus en plus les coraux et les rendent ainsi beaucoup moins résilients face à des évènements climatiques extrêmes comme les canicules marines. En l’occurrence ce nouvel épisode de blanchissement que nous avons vécu en cette fin d’année 2023, fait suite à deux ans de maladie corallienne qui avait déjà bien fragilisé le récif. Un phénomène qui devrait s’accentuer avec le réchauffement global.

Or les récifs coralliens sont l’un des écosystèmes les plus sensibles au réchauffement climatique. Les épisodes de pic de température des océans ont été idenifiés comme le principal moteur du déclin de la couverture de coraux durs à l’échelle mondiale (Souter et al, 2021). Avec eux, c’est tout l’équilibre marin qui est menacé, et subit déjà des effets catastrophiques : 30 % des colonies touchées sont mortes suite à l’épisode de blanchissement de 2005 en Martinique. La NOAA estime que l’épisode de 2023 va avoir un impact sans précédent dans le bassin caribéen avec une probabilité de mortalité touchant environ 90 % des récifs coralliens. Cela ne pourra être réellement évalué qu’un an après la fin de l’épisode.

Pourquoi préserver les coraux ?

Les récifs coralliens ne couvrent que 0,2 % de la surface des mers mais abritent plus de 25 % de la biodiversité marine mondiale, soit près de 60 000 espèces décrites à ce jour. Écosystèmes parmi les plus diversifiés de la planète, ils apportent de nombreux services à l’Homme puisqu’ils font vivre directement ou indirectement 500 millions de personnes, dont 40 millions de pêcheurs.

A l’échelle de la Martinique, les récifs coralliens procurent d’importants bénéfices économiques, écologiques et sociétaux (évalués à environ 170 millions d’euros pour l’économie martiniquaise) :

  • ils procurent des emplois à la population locale grâce au tourisme, à la pêche et aux loisirs ;
  • ils servent d’abri pour les poissons, participant ainsi à la préservation de la biodiversité ;
  • ils ont un effet brise-lames, qui réduit le risque de submersion et aide à protéger les communautés côtières des cyclones et de l’érosion par les vagues.

Agir pour les coraux, mais pas seulement ?

Face à ce phénomène de blanchissement des récifs coralliens il est important de rappeler que nous devons continuer à lutter contre le changement climatique. Pour cela il est aussi nécessaire de réglementer, mieux gérer et contrôler les activités humaines qui ont des impacts sur les coraux : projets d’urbanisme et d’aménagement, utilisation des pesticides, défrichements de mangroves ou forêts.

Actuellement, les aires marines protégées couplées à une protection renforcée des habitats constituent un outil de gestion nécessaire pour la conservation des récifs. La stratégie nationale pour la biodiversité 2030 vise dans ce sens, à poursuivre l’engagement de la France à mettre un terme d’ici 2030 à l’érosion de la biodiversité et en particulier marine via une de ses mesures : « poursuivre la dynamique d’extension du réseau d’aires protégées ». L’objectif est que d’ici 2025, 100 % des récifs coralliens ultramarins soient protégés.

La préservation de la biodiversité ne se limite évidemment pas à préserver les milieux naturels les plus emblématiques et les espèces les plus menacées. Tous les secteurs d’activité sont concernés : agriculture, pêche, transport, urbanisme. Il est bon de rappeler que la nature grâce à laquelle on respire et on se nourrit, est un allié précieux dans la lutte contre le changement climatique et les risques naturels, dans laquelle il faut investir.

À notre niveau de citoyen, nous pouvons tous contribuer à atténuer les changements climatiques. Que ce soit par nos déplacements, par notre consommation d’électricité, par notre alimentation ou par notre assainissement individuel, nous pouvons faire la différence.

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